Dans un monde régi par des produits alimentaires plutôt que par de vrais aliments, laissons la parole à Kelly Frank, ingénieure spécialiste de l’ultra-transformation. Aucun piège industriel ne lui résiste, car Kelly les connait tous. Naturellement gourmande et profondément convaincue que l’on peut faire plus simple, mieux et meilleur, Kelly nous explique son parcours et nous en dit plus sur sa passion pour le Goût avec un grand G.
À la quête du goût originel
D’aussi loin qu’elle s’en souvienne, Kelly a toujours été passionnée par le goût. Cette obsession la touchait déjà à l’enfance, lorsqu’elle regardait les dessins animés et était fascinée par ce que mangeaient ses héros préférés, et même à l’adolescence où elle ne cessait de se demander pourquoi il existait autant de différences de goûts entre les fromages, ou même les chocolats qu’elle dégustait.
C’est donc tout naturellement qu’en grandissant, elle se tourne vers des études dans l’ingénierie agro-alimentaire. Une année de césure au centre de recherche de l’Institut Paul Bocuse, puis un diplôme d’Agroparitec en poche, elle part à la découverte du monde professionnel, tout en restant fidèle à son goût prononcé pour le...goût !
À la découverte du monde de l’Ultra-transformation
Kelly débarque chez SIGA, une start-up dont le but est d’aider les gens à manger mieux et vivre mieux, avec pour objectif de développer un indice scientifique qui évaluerait le degré de transformation de chaque aliment.
60 000 produits alimentaires et 25 000 ingrédients plus tard, l’industrie agro-alimentaire n’a plus de secrets pour Kelly : additifs, mais aussi techniques de production, fonctionnalité de chaque ingrédient, et bien sûr goût de chaque aliment, Kelly est devenue une véritable experte capable d’aider les entreprises désireuses de créer leur propre gamme de produits sains ou d’améliorer la qualité de leur recette originelle. À travers ses diverses présences sur les plateaux TV, elle participe activement à la sensibilisation sur les aliments ultra-transformés et à la nocivité de certains sur notre santé.
Un retour aux sources et... au goût !
Si les étiquettes nutritionnelles n’ont plus de secrets pour elle, sa passion pour le goût ne l’a jamais vraiment quittée, à tel point qu’elle décide en 2021 de se lancer dans sa propre aventure et de fonder Goûm, sa propre entreprise dont la vocation est de revaloriser l’authenticité des aliments. Son objectif? Aider le consommateur à faire la distinction entre le vrai du faux goût pour qu’il puisse faire des choix plus éclairés, de qualité nutritionnelle ET gustative : “j’ai toujours adoré goûter et surtout les produits du quotidien car ensuite tu comprends le pourquoi et donc ce qu’est réellement la qualité. Quand tu goûtes, tu peux avoir plein d’indices qualitatifs auxquels tu ne fais pas attention, tu peux apprendre à reconnaitre ce qu’est le vrai goût de la vanille par exemple. En fait, tu peux faire le lien entre ce que tu manges et la qualité des ingrédients.” Malheureusement, nous sommes nombreux à avoir perdu le sens du vrai goût, habitués à des produits industriels tellement riches en artifices que c’est une explosion immédiate et surnaturelle des papilles, ce qui porte défaut au goût originel. Chez Goûm, Kelly souhaite nous aider à retrouver les vraies saveurs, qui ne sont possibles que dans de vrais ingrédients sans artifices, avec une matière première de meilleure qualité, et donc une vraie empreinte aromatique. “Et pas besoin de faire compliqué, précise Kelly”, qui avoue n’avoir jamais été une grande cuisinière, “puisque ce qui m’intéresse tout particulièrement, c’est le goût originel, celui des aliments peu ou non dénaturés”.
Une vision néanmoins optimiste de l’industrie agro-alimentaire
En vraie critique culinaire de produits de supermarché, Kelly est dotée de suffisamment d’expériences auprès des grandes marques alimentaires pour nous donner une vision malgré tout encourageante de l’industrie qui nous nourrit : “on accuse souvent les grandes marques, et c’est vrai qu’il faut toujours se méfier des fausses promesses : parler de 100% naturel sur des choses qui sont tout sauf naturelles est sidérant, mais cela arrive aussi chez des artisans de Bretagne qui vendent des caramels au sirop de glucose...” affirme-t-elle. L’industrie agro-alimentaire n’est pas manichéenne : “ il n’y a pas les méchants d’un côté ni les gentils de l’autre, mais il y a un bel enjeu de reformulation à aller chercher, avec un rajout d’ingrédients plus intéressants plutôt que de repenser tout le processus. Quand on part de zéro, on peut difficilement passer à côté du bon sens car la demande est de plus en plus importante. Et les grosses sociétés sont en train de se poser des questions, et ont au moins sorti un produit plus sain ces dernières années.” Preuve que les mentalités sont en train de changer et que l’on remet le côté sain sur les devants de la scène.
Ses conseils de consommation
“Orientez-vous toujours vers des listes courtes, avec des ingrédients que l’on a dans nos placards. Évitez le plus possible certains substances “artificialisées” qui n’existent pas dans la nature : édulcorants, sirop de glucose, etc. Dépassez les promesses produits pour aller voir ce qu’il s’y cache vraiment, et laissez sa chance à tous les produits même les plus moches visuellement ! Par exemple, je choisis toujours mes pommes cicatrisées car les cicatrices des pommes sont un indice que le fruit va être acidulé à cet endroit et cela va s’étendre un peu. C’est certes moins beau visuellement mais c’est délicieux ! En revanche, méfiez-vous des macédoines à l’air parfait, dans laquelle la mayonnaise est blanche et très aqueuse. Une vraie mayonnaise est riche en jaunes d’oeufs et bien épaisse.
Autre exemple, les pizzas. Certes les pizzas sont souvent ultra transformées mais pas toutes, il faut simplement prendre le temps de regarder ce qu’il y a derrière. Pas besoin d’être catégorique, dites-vous bien que l’équilibre alimentaire se fait sur une journée, voire une semaine, et qu’au final, aucun produit n’est réellement équilibré nutritionnellement hormis le lait maternel. C’est juste une histoire d’équilibre entre produits. Lorsque l’on est en bonne santé, on peut se permettre un peu tout mais raisonnablement. Restons curieux et goûtons !”
Retrouvez Kelly Frank sur son site internet GOÛM
Livres et films favoris
- Halte aux aliments ultra transformés d’Anthony Fardet
- L’aile ou la cuisse, Claude Zidi
